vendredi 4 septembre 2015

Haïti / Premier tour des sénatoriales 2015 / La règle de la majorité absolue dans la méthode de calcul du CEP et celle de Montès: étude comparative

Par Dr. Pierre Montès

4 septembre 2015


Introduction.-
La méthode de calcul du CEP pour déterminer aux élections sénatoriales un gagnant au premier tour à la majorité absolue par rapport au nombre  total des voix exprimées (A/T > 50%), réduit de moitié le domaine à l'intérieur duquel un candidat serait gagnant selon la méthode exacte (méthode de Montès), basée sur la majorité absolue par rapport au nombre total de votants ayant déposé un vote valide (ou nombre de bulletins valides) (A/N >50%).
Cette affirmation est en quelque sorte un théorème qui peut être rigoureusement prouvé.
J'en suis arrivé à cette conclusion à la suite d'une analyse minutieuse de la méthode de calcul du CEP.


Définition de quelques quantités.-

On commence par définir les quantités qui nous seront utiles pour la suite.

·        N   est le nombre total des votants dans un département qui ont voté et dont le vote est valide;

·        T   est le nombre total de voix valides;

·        A   est le nombre de voix valides en faveur du candidat  A, ou bien le nombre de votants ayant donné chacun une voix valide au candidat  A.

Le contexte dans lequel on utilisera la lettre A permettra au lecteur de savoir s’il s’agit du candidat ou de son nombre de voix/votants.

·        A / N  (%) est le pourcentage du nombre de votants ayant voté pour le candidat  A par rapport au nombre total de votants N. C’est le pourcentage utilisé dans la méthode exacte (Méthode de Montès).

·        A / T  (%) est le pourcentage du nombre de voix valides en faveur du candidat  A par rapport au nombre total de voix valides dans le département. C’est le pourcentage de voix dans la méthode du CEP qui, nous l’avons dit dans notre analyse antérieure, est erronée.


Établissement de quelques relations utiles.-

Si les électeurs (ou votants) ne votaient que pour un seul sénateur, on aurait alors T = N et les deux pourcentages seraient identiques :

A / N = A / T,  si T = N   (0)

Puisqu’il y a deux sénateurs à élire, il est permis à un votant de donner sur un seul et même bulletin de vote, une voix à un candidat  et de donner une autre voix à un autre candidat, parmi les candidats en lice dans le département considéré. Il peut arriver que certains votants donnent une voix à un candidat seulement; il peut y en avoir d’autres qui donnent une voix à un candidat fictif en  mettant un X  pour «Aucun candidat». Dans ces conditions, on a :

T > N                        (1)

Si tous les électeurs donnaient une voix à chacun de deux candidats de son choix, on aurait :

T = 2 N            (2)

Mais en général, on a :

T < 2 N           (3)


Le nombre de voix valides en faveur du candidat  A est toujours inférieur ou au plus égal au nombre total de votants (ou nombre total bulletins de vote valides) :
 
A < ou =  N           (4)

On peut combiner les relations (0) à (4) en écrivant :

0  < ou =  A < ou =  N  T < ou =  2 N           (5)

En divisant tous les termes dans (5) par N (on suppose qu’on a toujours N > 0), on obtient la relation :

0  < ou =  A / N < ou =  1  < ou =  T / N < ou =  2           (6)

Dans la suite de cette analyse, on fera varier (A/N) entre 0 et 1 et   (T/ N)  sera compris largement entre 1 et 2 comme le montre la relation (6).



Relation entre  A/N et A/T

La relation entre ces deux pourcentages est simple. On peut écrire en effet:

[A/N] /[A/T] = T/N            (7)

Cette relation est particulièrement intéressante.  Ce qu’elle dit, c’est que, pour le premier tour des sénatoriales, dans un département donné, le rapport des deux pourcentages d’un candidat quelconque calculés par les deux méthodes (Montès / CEP) est constant et égal au rapport du nombre total de voix valides T et du nombre total de votants (ou de bulletins valides) N dans ce département.





Représentation graphique de la relation (7) sous forme d’abaque adimensionnel.

 Nous savons que la valeur de N n’a pas été cumulée et rendue disponible pour chaque département. Dans la suite de l’analyse théorique, nous supposerons que cette valeur soit connue, comme l’est T; on suppose donc connu le rapport  T/N constant pour un département donné dans une élection donnée.

T/N  = constante (pour un département et une élection)         (8)

La valeur de cette constante est, selon la relation (6) comprise entre 1 et 2 :

 1  < ou =  T / N < ou =  2           (9)

Posons  provisoirement : T/N = m,  A/N = x  et  A/T = z.

La relation (7) s’exprime alors sous la forme :

x  = m z          (10)

Pour une constante m, l’équation (10) est celle d’une droite passant par l’origine des axes dans le plan z-x. Les deux pourcentages (CEP) et (Montès) sont donc liés linéairement pour un m fixé.

Comme nous voulons faire varier m = T/N entre ses limites 1 et 2, et que nous connaissons bien déjà les limites entre lesquelles varie x = A/N, soit entre 0 et 1,  nous allons poser plutôt m = y = T/N et nous exprimons plutôt z en fonction de x et y.

La relation (10) s’écrit alors :

z  = f (x, y) = x/y          (11)

La fonction f est une fonction de deux variables réelles. Elle fait correspondre à tout point (x, y) pris dans un domaine D (un sous-ensemble borné et fermé)  inclus dans R2 (plan x-y)), une valeur réelle unique z comprise entre 0 et 1.

D = { (x, y) |  0 < ou = x < ou = 1 et 1 < ou = y < ou = 2 }     (12)

Le point (0,0) n’appartient pas au domaine de définition D de la fonction f, et son comportement au point (0,0) en dehors de D est sans conséquence sur sa continuité à l’intérieur de D.

Pour pouvoir illustrer graphiquement la fonction z = f (x, y) dans le plan x-y et pour faciliter l’interprétation du graphique qui sera construit, nous allons d’abord choisir une valeur constante pour z (disons z = k1) que nous introduirons dans l’équation (11), puis nous représenterons graphiquement la relation entre x = A/N et y = T/N dans le domaine D pour la valeur constante k1  choisie pour z : on obtiendra ainsi  la ligne iso-valeur  z = A/T = k1. Nous répéterons cette opération pour d’autres valeurs constantes de z égales à k2, k3, etc., autant de fois qu’il nous sera nécessaire, pour bien mettre en évidence le comportement de cette fonction  z = f (A/N, T/N) = A/T dans tout le domaine de définition D. Nous aurons ainsi un ensemble de lignes (des lignes droites ici) iso-valeurs z = k1, k2, k3, …, kn.  Nous serons alors bien armés pour analyser le graphique obtenu.



Analyse du graphique montrant les iso-valeurs z = A/T= k1, k2, etc. dans le domaine D du plan x-y  ( x = A/N et y = T/N).     

Le graphique se construit aisément. Il est illustré sur la figure suivante.

Le domaine D du plan x-y est un rectangle. La variable x = A/N varie entre 0% et 100%. La variable y = T/N varie entre 1 et 2.

Nous avons tracé sur D les iso-valeurs  z = A/T = 0%,  25%, 50%,  75%.  L’iso-valeur 100% est réduite à un point dans le domaine D, c’est le point E.

  a)   Interprétation graphique de la règle de majorité absolue utilisée dans la méthode de Montès.-

Sur le graphique nous avons ajouté la droite x = A/N = 50%. Elle divise le domaine en deux moitiés : moitié gauche et moitié droite.
Les résultats d’une élection donnée sont situés sur une droite horizontale d’ordonnée y = T/N = constante pour cette élection dans un département donné. Pour un candidat  A ayant obtenu le nombre de voix  A, l’abscisse x = A/N du point (x,y) = (A/N, T/N), à l’intérieur du domaine D, représente le pourcentage des votants ayant voté pour lui par rapport au nombre total des votants (méthode Montès). Si le point (x,y) est situé à droite de ligne en trait discontinu PM, d’équation x = A/N = 50%, ce candidat gagne au premier tour à la majorité absolue Dans le cas contraire il ne satisfait pas à la règle de la majorité absolue.
Dans la méthode de Montès, cette règle est juste en ce sens qu’un couple (x, y), pris au hasard sur une horizontale y = T/N, a autant de chance de tomber à gauche (entre 0 et 50%- epsilon) ou à droite (entre 50%+epsilon et 100%) du seuil de 50%.


  b)   Interprétation graphique de la règle de majorité absolue utilisée dans la méthode du CEP.-

De même, les résultats d’une élection donnée sont situés sur une droite horizontale d’ordonnée y = T/N = constante dans un département  donné. Pour un candidat  A ayant obtenu le nombre de voix A, le point (x,y) = (A/N, T/N) est situé sur une ligne iso-valeur  z = A/T. Cette valeur représente le pourcentage des voix obtenues par le candidat  A par rapport au nombre total de voix T dans le département (méthode CEP).   

Si la valeur  cette valeur  z = A/T en un point (x, y) est inconnue, mais si les coordonnées de du point sont connues,  on peut déterminer aisément sur quelle ligne iso-valeur (tracée ou non) le point  est situé. Il suffit de diviser l’abscisse x = A/N par l’ordonnée y = T/N; le résultat de cette division est l’iso-valeur  sur laquelle se trouve le point en question.

 Pour une élection donnée, on considère l’horizontale y = T/N. Cette droite coupe la droite CP du graphique en un point. La droite  CP est l’iso-valeur z = A/T = 50% selon la méthode CEP. Pour gagner à la majorité absolue des voix exprimées, selon la méthode du CEP, il faut que le résultat du candidat corresponde à un point (x, y) situé à droite de la ligne en trait discontinu CP. Dans le cas contraire il ne satisfait pas à la règle de la majorité absolue selon la méthode du CEP.
On s’aperçoit aisément que la méthode du CEP n’est pas juste puisque la partie de l’horizontale  y = T/N située à droite de l’iso-valeur z = A/T = 50% est beaucoup plus petite que la partie située à gauche. Et la partie horizontale située à droite est d’autant  plus petite que l’ordonnée  y = T/N est grande. En d’autres termes, plus il y a de votants qui votent en donnant une voix à deux candidats différents (plus y augmente entre 1 et 2), moins grande est la chance pour le candidat qui arrive en  tête, de franchir la ligne CP et de gagner  à la majorité absolue.

Si un candidat  A reçoit une voix de chacun de N votants et que certains des N votants donnent leur deuxième voix à l’un des autres candidats, alors le candidat A qui a fait le plein des voix (A=N) ne peut avoir un pourcentage de 100% par la méthode du CEP. Son pourcentage diminue de 100% à 50% lorsque y augmente de 1 à 2.
Et quand l’horizontale y = T/N atteint l’ordonnée maximale 2, alors  les chances pour le candidat  A de gagner au 1er tour à la majorité absolue sont quasi-nulles.

Ce graphique met à nu l’iniquité de la méthode du CEP.
Cette méthode  réduit  les chances d’un candidat de gagner au 1er tour, quand il y a deux sénateurs à élire.


  c)   Utilisation du graphique dans le cas des  sénatoriales du 9 août 2015.-

Revenons sur les approximations faites par la méthode de Montès dans l’analyse faite le 24 août 2015.

Pour les élections sénatoriales du 9 août 2015, le nombre N de votants (ou le nombre de bulletins valides) n’a pas été cumulé pour chacun des départements géographiques, même si les données brutes qui auraient permis de déterminer cette quantité étaient disponibles dans les procès-verbaux des bureaux de vote mis en ligne par le CEP.

Dans l’analyse antérieurement publiée, ce nombre a été approximé par le nombre de bulletins valides dans chaque département pour les élections des députés du 9 août. Chaque électeur est sensé recevoir deux bulletins de vote simultanément (un pour le choix d’un député, l’autre pour le choix de 2, 1, ou 0 sénateurs). Pour pouvoir appliquer la méthode de Montès, on avait alors fait l’hypothèse que le nombre de bulletins de vote valides comptés pour les députés soit à peu près égal à celui qui aurait été obtenu pour les sénateurs, dans chaque département.

Sous cette hypothèse, voici la valeur approximée pour  y = T/N  dans chaque département et le pourcentage minimum de la méthode de Montès (x = A/N) qu’un candidat au sénat  devrait dépasser dans chaque département pour gagner au premier tour selon la règle de majorité de la méthode du CEP (A/T  > 50%). Les valeurs de x sont calculées   à l’aide de l’équation (10) dans laquelle  on fait  z = A/T = 50%:

Artibonite,             y = T/N = 1,602,  x minimum = A/N = 80,1%
Centre,                 y = T/N = 1,480,  x minimum =  A/N = 74%
Grand-Anse,         y = T/N = 1,359,  x minimum = A/N = 68%
Nippes,                 y = T/N = 1,540,  x minimum = A/N = 77%
Nord,                    y = T/N = 1,537,  x minimum = A/N = 76,9%
Nord-Est,             y = T/N = 1,270,   x minimum = A/N = 63,4%
Nord-Ouest,         y = T/N = 1,467,   x minimum = A/N = 73,4%
Ouest,                  yT/N = 1,561,  x minimum = A/N = 78%
Sud,                     yT/N = 1,472,  x minimum = A/N = 73,6%
Sud-Est,               yT/N = 1,551,  x minimum = A/N = 77,6%

Pour la méthode exacte (méthode de Montès), il suffirait pour un candidat d’avoir un pourcentage  x = A/ > 50% pour gagner au premier tour à la majorité absolue des votants.

Les calculs approchés faits dans l’analyse antérieure ont montré que les pourcentages A/N  approximés pour les 4 candidats en tête dans chaque département étaient tous inférieurs à 50%+1. 



                                                    Figure unique




**FIN**

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