Par Dr. Pierre Montès
4 septembre 2015
Introduction.-
La méthode de calcul du CEP
pour déterminer aux élections sénatoriales un gagnant au premier tour à la
majorité absolue par rapport au nombre total des voix exprimées (A/T > 50%),
réduit de moitié le domaine à l'intérieur duquel un candidat serait gagnant
selon la méthode exacte (méthode de Montès), basée sur la majorité absolue par
rapport au nombre total de votants ayant déposé un vote valide (ou nombre de
bulletins valides) (A/N >50%).
Cette affirmation est en quelque sorte un théorème qui peut être
rigoureusement prouvé.
J'en suis arrivé à cette conclusion à
la suite d'une analyse minutieuse de la méthode de calcul du CEP.
Définition de
quelques quantités.-
On commence par définir les quantités qui nous seront utiles pour la
suite.
·
N est le nombre total des votants dans un département qui ont voté et
dont le vote est valide;
·
T est le nombre total de voix valides;
·
A est le nombre de voix valides en faveur du
candidat A, ou bien le nombre de votants
ayant donné chacun une voix valide au candidat A.
Le contexte dans lequel on utilisera la lettre A permettra au lecteur de savoir s’il s’agit du candidat ou de son
nombre de voix/votants.
·
A / N (%) est le pourcentage du nombre de
votants ayant voté pour le candidat A
par rapport au nombre total de votants N.
C’est le pourcentage utilisé dans la méthode exacte (Méthode de Montès).
·
A / T (%) est le pourcentage du nombre de voix
valides en faveur du candidat A par rapport au nombre total de voix
valides dans le département. C’est le pourcentage de voix dans la méthode du
CEP qui, nous l’avons dit dans notre analyse antérieure, est erronée.
Établissement de
quelques relations utiles.-
Si les électeurs (ou votants) ne
votaient que pour un seul sénateur, on aurait alors T = N et les deux
pourcentages seraient identiques :
A / N = A / T,
si T = N (0)
Puisqu’il y a deux sénateurs à élire, il est permis à un votant de
donner sur un seul et même bulletin de vote, une voix à un candidat et de donner une autre voix à un autre
candidat, parmi les candidats en lice dans le département considéré. Il peut arriver
que certains votants donnent une voix à un candidat seulement; il peut y en avoir
d’autres qui donnent une voix à un candidat fictif en mettant un X pour «Aucun candidat». Dans ces conditions, on
a :
T > N (1)
Si tous les électeurs donnaient une voix à chacun de deux candidats de
son choix, on aurait :
T = 2 N
(2)
Mais en général, on a :
T < 2 N (3)
Le nombre de voix valides en faveur du candidat A
est toujours inférieur ou au plus égal au nombre total de votants (ou nombre
total bulletins de vote valides) :
A < ou = N (4)
On peut combiner les relations (0) à (4) en écrivant :
0 < ou = A < ou = N T < ou = 2 N (5)
En divisant tous les termes dans (5) par N (on suppose qu’on a toujours N
> 0), on obtient la relation :
0 < ou = A / N < ou = 1 < ou = T / N < ou = 2 (6)
Dans la suite de cette analyse, on fera varier (A/N) entre 0 et 1 et (T/
N) sera compris largement entre 1 et 2 comme le
montre la relation (6).
Relation entre A/N et A/T
La relation entre ces deux pourcentages est simple. On peut écrire en
effet:
[A/N]
/[A/T] = T/N (7)
Cette relation est particulièrement intéressante. Ce qu’elle dit, c’est que, pour le premier
tour des sénatoriales, dans un département donné, le rapport des deux pourcentages
d’un candidat quelconque calculés par les deux méthodes (Montès / CEP) est
constant et égal au rapport du nombre total de voix valides T et du nombre total de votants (ou de
bulletins valides) N dans ce
département.
Représentation
graphique de la relation (7) sous forme d’abaque adimensionnel.
Nous savons que la valeur de N n’a pas été cumulée et rendue
disponible pour chaque département. Dans la suite de l’analyse théorique, nous
supposerons que cette valeur soit connue, comme l’est T; on suppose donc connu le rapport T/N constant pour un
département donné dans une élection donnée.
T/N = constante (pour un département et une
élection) (8)
La valeur de cette constante est, selon la relation (6) comprise entre 1
et 2 :
1 < ou = T / N < ou = 2 (9)
Posons provisoirement : T/N
= m, A/N = x
et A/T = z.
La relation (7) s’exprime alors sous la forme :
x
= m z (10)
Pour une constante m, l’équation (10) est celle d’une droite passant par
l’origine des axes dans le plan z-x. Les deux pourcentages (CEP) et (Montès) sont
donc liés linéairement pour un m
fixé.
Comme nous voulons faire varier m
= T/N entre ses limites 1 et 2, et que nous connaissons bien déjà les
limites entre lesquelles varie x = A/N, soit entre 0 et 1, nous allons poser plutôt m = y = T/N et nous exprimons plutôt z en fonction de x et y.
La relation (10) s’écrit alors :
z
= f (x, y) = x/y (11)
La fonction f est une fonction
de deux variables réelles. Elle fait correspondre à tout point (x, y)
pris dans un domaine D (un sous-ensemble
borné et fermé) inclus dans R2
(plan x-y)), une valeur réelle unique z
comprise entre 0 et 1.
D = { (x, y) | 0 < ou = x < ou = 1 et 1 < ou = y < ou = 2 } (12)
Le point (0,0) n’appartient pas au domaine de définition D de la fonction f, et son comportement au point (0,0) en dehors de D est sans conséquence sur sa continuité à l’intérieur de D.
Pour pouvoir illustrer graphiquement la fonction z = f (x, y)
dans le plan x-y et pour faciliter l’interprétation du graphique qui sera
construit, nous allons d’abord choisir une valeur constante pour z (disons z = k1) que
nous introduirons dans l’équation (11), puis nous représenterons graphiquement
la relation entre x = A/N
et y = T/N dans le domaine D pour la valeur constante k1 choisie pour z : on obtiendra ainsi la
ligne iso-valeur z = A/T = k1.
Nous répéterons cette opération pour d’autres valeurs constantes de z égales à k2, k3,
etc., autant de fois qu’il nous sera nécessaire, pour bien mettre en évidence le
comportement de cette fonction z = f (A/N, T/N) = A/T dans tout le domaine de définition D. Nous aurons ainsi un ensemble de
lignes (des lignes droites ici) iso-valeurs z
= k1, k2, k3,
…, kn. Nous serons alors bien armés pour analyser le
graphique obtenu.
Analyse du graphique
montrant les iso-valeurs z = A/T=
k1, k2, etc. dans le domaine D du plan x-y ( x =
A/N
et y = T/N).
Le graphique se construit aisément. Il est illustré sur la figure
suivante.
Le domaine D du plan x-y est
un rectangle. La variable x = A/N varie
entre 0% et 100%. La variable y = T/N
varie entre 1 et 2.
Nous avons tracé sur D les iso-valeurs
z
= A/T = 0%, 25%, 50%, 75%. L’iso-valeur 100% est réduite à un point dans
le domaine D, c’est le point E.
a) Interprétation
graphique de la règle de majorité absolue utilisée dans la méthode de Montès.-
Sur le graphique nous avons ajouté la droite x = A/N = 50%. Elle divise le domaine en deux
moitiés : moitié gauche et moitié droite.
Les résultats d’une élection donnée sont situés sur une droite horizontale
d’ordonnée y = T/N = constante pour
cette élection dans un département donné. Pour un candidat A
ayant obtenu le nombre de voix A, l’abscisse x = A/N du point (x,y) = (A/N,
T/N),
à l’intérieur du domaine D, représente
le pourcentage des votants ayant voté pour lui par rapport au nombre total des
votants (méthode Montès). Si le point (x,y) est situé à droite de ligne en trait
discontinu PM, d’équation x = A/N = 50%, ce candidat gagne au premier
tour à la majorité absolue Dans le cas contraire il ne satisfait pas à la règle
de la majorité absolue.
Dans la méthode de Montès, cette règle est juste en ce sens qu’un couple
(x, y), pris au hasard sur une horizontale y = T/N, a autant de chance de tomber à gauche
(entre 0 et 50%- epsilon) ou à droite (entre 50%+epsilon et 100%) du seuil de
50%.
b) Interprétation
graphique de la règle de majorité absolue utilisée dans la méthode du CEP.-
De même, les résultats d’une élection donnée sont situés sur une droite
horizontale d’ordonnée y = T/N
= constante dans un département donné.
Pour un candidat A ayant obtenu le nombre de voix A, le point (x,y) = (A/N, T/N) est situé sur une
ligne iso-valeur z = A/T. Cette valeur représente le
pourcentage des voix obtenues par le candidat A
par rapport au nombre total de voix T
dans le département (méthode CEP).
Si la valeur cette valeur z = A/T
en un point (x, y) est inconnue, mais si les coordonnées de du point sont
connues, on peut déterminer aisément sur
quelle ligne iso-valeur (tracée ou non) le point est situé. Il suffit de diviser l’abscisse x = A/N par l’ordonnée y = T/N; le résultat de cette division est
l’iso-valeur sur laquelle se trouve le
point en question.
Pour une élection donnée, on
considère l’horizontale y = T/N.
Cette droite coupe la droite CP du
graphique en un point. La droite CP est l’iso-valeur z = A/T = 50% selon la méthode CEP. Pour
gagner à la majorité absolue des voix exprimées, selon la méthode du CEP, il
faut que le résultat du candidat corresponde à un point (x, y) situé à droite de la
ligne en trait discontinu CP. Dans le
cas contraire il ne satisfait pas à la règle de la majorité absolue selon la
méthode du CEP.
On s’aperçoit aisément que la méthode du CEP n’est pas juste puisque la
partie de l’horizontale y = T/N située à droite de l’iso-valeur z = A/T = 50% est beaucoup plus petite que la
partie située à gauche. Et la partie horizontale située à droite est d’autant plus petite que l’ordonnée y = T/N
est grande. En d’autres termes, plus il y a de votants qui votent en donnant
une voix à deux candidats différents (plus y
augmente entre 1 et 2), moins grande est la chance pour le candidat qui arrive
en tête, de franchir la ligne CP et de gagner à la majorité absolue.
Si un candidat A reçoit une voix de chacun de N votants et que certains des N votants donnent leur deuxième voix à
l’un des autres candidats, alors le candidat A qui a fait le plein des voix (A=N) ne peut avoir un pourcentage de 100%
par la méthode du CEP. Son pourcentage diminue de 100% à 50% lorsque y augmente de 1 à 2.
Et quand l’horizontale y = T/N
atteint l’ordonnée maximale 2, alors les
chances pour le candidat A de gagner au 1er tour à la
majorité absolue sont quasi-nulles.
Ce graphique met à nu l’iniquité de la méthode du CEP.
Cette méthode réduit les chances d’un candidat de gagner au 1er
tour, quand il y a deux sénateurs à élire.
c) Utilisation du
graphique dans le cas des sénatoriales
du 9 août 2015.-
Revenons sur les approximations faites par la méthode de Montès dans
l’analyse faite le 24 août 2015.
Pour les élections sénatoriales du 9 août 2015, le nombre N de votants (ou le nombre de bulletins
valides) n’a pas été cumulé pour chacun des départements géographiques, même si
les données brutes qui auraient permis de déterminer cette quantité étaient disponibles
dans les procès-verbaux des bureaux de vote mis en ligne par le CEP.
Dans l’analyse antérieurement publiée, ce nombre a été approximé par le
nombre de bulletins valides dans chaque département pour les élections des
députés du 9 août. Chaque électeur est sensé recevoir deux bulletins de vote
simultanément (un pour le choix d’un député, l’autre pour le choix de 2, 1, ou
0 sénateurs). Pour pouvoir appliquer la méthode de Montès, on avait alors fait
l’hypothèse que le nombre de bulletins de vote valides comptés pour les députés
soit à peu près égal à celui qui aurait été obtenu pour les sénateurs, dans
chaque département.
Sous cette hypothèse, voici la valeur approximée pour y = T/N
dans chaque département et le
pourcentage minimum de la méthode de Montès (x = A/N) qu’un candidat au sénat devrait dépasser dans chaque département pour
gagner au premier tour selon la règle de majorité de la méthode du CEP (A/T > 50%). Les valeurs de x sont
calculées à l’aide de l’équation (10)
dans laquelle on fait z =
A/T
= 50%:
Artibonite, y = T/N = 1,602, x
minimum = A/N = 80,1%
Centre, y = T/N = 1,480, x
minimum = A/N = 74%
Grand-Anse, y = T/N = 1,359, x
minimum = A/N = 68%
Nippes, y = T/N = 1,540, x
minimum = A/N = 77%
Nord, y = T/N = 1,537, x
minimum = A/N = 76,9%
Nord-Est, y = T/N = 1,270, x
minimum = A/N = 63,4%
Nord-Ouest, y = T/N = 1,467, x
minimum = A/N = 73,4%
Ouest, y =
T/N = 1,561, x minimum = A/N = 78%
Sud, y =
T/N = 1,472, x minimum = A/N = 73,6%
Sud-Est, y =
T/N = 1,551, x minimum = A/N = 77,6%
Pour la méthode exacte (méthode de Montès), il suffirait pour un
candidat d’avoir un pourcentage x = A/N > 50% pour gagner au premier tour à
la majorité absolue des votants.
Les calculs approchés faits dans l’analyse antérieure ont montré que les
pourcentages A/N approximés pour les 4
candidats en tête dans chaque département étaient tous inférieurs à 50%+1.
Figure unique
**FIN**
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